Une carrière avec un casier judiciaire?
Saviez-vous qu’au Québec, un adulte sur 7 a un casier judiciaire? Il n’est pas nécessaire d’avoir fait de la prison, le simple vol à l’étalage, aussi minime soit-il (qui n’a pas déjà volé un bonbon?), pourrait vous en causer un. Posséder un casier judiciaire peut avoir d’importantes conséquences quand on est en recherche d’emploi. Dans un article publié par le magazine Jobboom, Jean-Claude Bernheim, criminologue et spécialiste des droits de la personne, affirme, études à l’appui, que « traîner un casier judiciaire diminue de moitié les chances d’obtenir un emploi ». Selon lui, cette possibilité s’élèverait même à 80% pour des postes dans le domaine des banques, de la santé ou de l’enseignement. Plus de 800 000 Québécois, soit 14 % de la population adulte, seraient touchés par cette situation. Nous terminerons cette série sur les enquêtes pré-embauche en explorant la demande d’information sur votre passé criminel.
Discriminatoire? Oui, non, pas tout à fait…
L’article 18.2 de la Charte québécoise des droits et libertés interdit à un employeur de refuser un emploi à quelqu’un, de le congédier ou de le pénaliser dans le cadre de son travail sous prétexte qu’il a un casier judiciaire si l’infraction commise n’a aucun lien avec l’emploi ou si un pardon (aussi appelé suspension de casier judiciaire) a été obtenu. Toutefois, comme les antécédents judiciaires ne font pas partie des motifs illicites de discrimination reconnus par l’article 10 de la Charte, rien n’empêche un patron de questionner un candidat sur l’existence d’un casier judiciaire ou d’inscrire cette question sur son formulaire d’embauche.
Ainsi, il n’est pas discriminatoire de poser une question concernant le fait, pour un candidat, de posséder ou non un casier judiciaire. Toutefois, il pourrait y avoir discrimination si un employeur exclut un candidat sur la base de ses antécédents judiciaires sans être en mesure d’établir un lien pertinent entre son dossier criminel et le poste convoité. D’ailleurs, en 2015-2016, 6% du total des plaintes reçues pour discrimination par la Commission des droits de la personne concernaient les antécédents judiciaires.
Dire ou ne pas dire que l’on possède un casier judiciaire?
Malheureusement, il n’y a pas de réponse magique… C’est à vous de voir! Stratégiquement, parler de ses antécédents judiciaires sur un formulaire d’embauche ou en entrevue peut être risqué… Sachez qu’il y a aussi des risques à ne pas le faire! Normalement, un candidat est tenu d’informer l’employeur éventuel de l’existence de ses antécédents judiciaires, si celui-ci le questionne à ce sujet. Et ce, même s’il a obtenu un pardon! Un candidat qui ne consentirait pas à les déclarer pourrait se voir refuser l’emploi (même s’il n’y avait pas de liens entre le poste et son casier judiciaire). Un employeur qui découvrirait l’existence d’un casier une fois l’embauche faite aurait toute la légitimité de mettre fin au contrat pour déclaration mensongère. Si vous possédez un casier judiciaire, il pourrait être judicieux de préparer votre réponse à une éventuelle question d’entrevue. Improviser sur cette question risque de ne pas donner de bons résultats.
Secret, le casier judiciaire?
Rien n’est moins vrai. Un casier judiciaire est un document public, accessible à tous et toutes. Et c’est simple comme bonjour! Le registre informatisé des plumitifs disponibles dans les palais de justice permet à quiconque possède le nom et la date de naissance d’une personne de faire une recherche sur ses antécédents judiciaires et ce, sans avoir à fournir une raison valable. Aujourd’hui, il est même possible, moyennant des frais minimes, de faire cette recherche sur Internet.
Dire adieu au travail avec un casier judiciaire?
Le fait que les antécédents judiciaires ne figurent pas dans la liste des motifs de discrimination interdits par la Charte et que, par conséquent, les employeurs aient le droit de vous poser des questions à ce sujet, rend la démonstration de la discrimination plus difficile. Mais elle n’est pas impossible. Ces dernières années, le Tribunal des droits de la personne a rendu plusieurs jugements favorables aux travailleurs et travailleuses. Si vous pensez qu’on vous a refusé un emploi parce que vous avez un casier judiciaire, n’hésitez pas à consulter la Commission des droits de la personne. Leurs services sont gratuits!
De plus, il est également possible de consulter un conseiller ou une conseillère en emploi pour déterminer des trucs sur la meilleure façon de parler de ses antécédents judiciaires à un employeur qui vous questionne à ce sujet.
Voilà qui met fin à notre exploration du mystérieux monde des enquêtes pré-embauches. N’hésitez pas à partager vos expériences avec nous!
Émilie Laurin Dansereau
Consultante en employabilité